Paroisse Saint Loup


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Loi du 9 décembre 1905

LOI DU 9 DECEMBRE 1905

Dite

LOI DE SEPARATION DES EGLISES ET DE L’ETAT

I.Cette loi est l’aboutissement du processus d’autonomie de la pensée, de la liberté de conscience et de la sécularisation de la société.

Pendant des siècles, était en vigueur le principe : « une foi, un roi, une loi ». Le roi avait la religion du peuple, les sujets celle de leur roi et la loi la faisait respecter.
Peu à peu, un certain nombre de cassures se sont produites.

1 – Cassure entre Science et Religion.

En 15OO, Copernic démontre que la Terre n’est pas au centre de l’Univers. Par la suite les travaux de Galilée montre que l’explication de l’Univers étaient ailleurs que dans la Bible. Désormais la science continue sans Dieu.

2 – Cassure entre Philosophie et Religion.

En 1637, Descartes fait paraître son « Discours de la Méthode ». Par sa méthode philosophique du doute il écarte tout ce qui n’est pas évident pour sa conscience. Seule reste son « Je pense donc je suis ». C’est donc la pensée qui est au centre et la norme de vérité est en elle-même. Cette affirmation est incompatible avec un esprit qui se subordonne à une règle extérieure. Dieu devient donc relatif à la conscience que j’en ai, il ne constitue que le pur concept systématique garant d’une conception rationnelle du monde. Le philosophe s’appuie sur la Raison, le croyant sur la Grâce.
Peu à peu la pensée va s’organiser sans Dieu.

3 – Cassure au niveau politique et social

En 1789 la Révolution ne reconnaît plus que l’Etat et les individus, sans intermédiaire. La citoyenneté devient plus vaste que l’appartenance religieuse. La religion n’est qu’une particularité, voire une opinion.
L’identité et les droits d’un individu sont liés à son appartenance à sa nation et non à une religion. Cette affirmation est concrétisée par l’institution de l’Etat Civil, le Grand Livre des Citoyens. L’officier en sera le maire, un citoyen élu. Jusque là, c’étaient les registres de baptêmes qui gardaient traces des naissances.
L’homme, le citoyen existe sans Dieu.

Au 18° siècle une série de conflits va créer un climat de violence et de tensions, particulièrement autour de l’Ecole. On parlera de la « guerre des deux France, la catholique et la laïque ». L’affaire Dreyfus va diviser la France profondément. La lutte politique va s’exercer entre les « cléricaux » qui veulent redonner à la religion catholique toute la 1° place et les « anticléricaux » pour qui toute religion est pernicieuse et donc à combattre.
La loi de 1905va être discutée et votée dans ce climat là. C’est le courant libéral qui va l’emporter. Cette loi veut apporter la paix des esprits et un cadre reconnu par tous.

II.La loi du 9 décembre 1905

Cette loi est constituée de 2 grands principes et d’une série d’articles précisant les conséquences pratiques de ces principes.

LES PRINCIPES

1. L’Etat assure la liberté de conscience. Il garantit le libre exercice des cultes dans la limite du respect de l’ordre public

2. L’Etat ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte… seront supprimés des budgets de l’Etat, des départements et des communes toutes dépenses relatives à un culte (sauf les dépenses d’aumôneries dans les lycées, collèges, asiles, hôpitaux, prisons). Les établissements publics du culte sont supprimés.

LES REGLES :

Concernent les édifices des cultes, les associations qui permettent aux croyants de se regrouper et de gérer leurs biens, la police du culte.

REMARQUES

1. L’Etat ne reconnaît aucun culte ne signifie pas qu’il ne connaît pas les différents cultes mais qu’il n’a de rapports privilégiés avec aucun. Il n’en place aucun au dessus des autres. Aucun ne bénéficie d’un régime particulier.

2. La loi modifie le régime juridique des cultes. Ils passent d’un régime de droit public à un régime de droit privé. Tout culte peut s’exercer librement et publiquement avec comme seuls interdits : le prosélytisme, le trouble de l’ordre public, le non respect des autres convictions. Les institutions religieuses relève du droit privé et de liberté d’association comme un individu. Les religions n’assurent plus de service public, leurs ministres ne sont plus des agents publics.

3. La loi parle de « culte » et non de religion en raison même du 1° principe qu’elle a posé, celui de la liberté de conscience. Une religion est constituée d’un ensemble de réponses aux grandes questions, réponses qui demandent l’adhésion du croyant. L’Etat n’a rien à en dire. C’est au niveau de la pratique collective, manifestations nécessitant des lieux et du temps que l’Etat peut et doit intervenir.

4. Séparation des Eglises et de l’Etat signifie que chacun est maître chez lui et respecte l’autre. Une Eglise doit respecter l’Etat, ses agents et ses lois, l’Etat reconnaît n’avoir aucune compétence en matière religieuse.

5. Les cultes concernés sont ceux connus sur le territoire français et dans son histoire à cette époque : l’Eglise Catholique, Les Eglises protestantes, le Judaïsme.

6. Cette loi fige le nombre de jours fériés en vigueur à cette date. Par la suite certains seront supprimés, d’autres rajoutés (1°mai, 8 mai, 11 novembre) mais plus pour marquer une fête religieuse.

Cette loi n’a jamais été appliquée dans toute sa rigueur. L’Eglise Catholique a refusé le statut de simple association loi 1901. Une solution sera trouvée en 1923 (ou 25) dans les associations cultuelles diocésaines dont le président sera automatiquement l’évêque du diocèse.
De plus, le principe de réalité a poussé à modifier l’article 2 qui refusait toute dépenses d’entretien. La majorité des gens appréciait de se retrouver à l’église pour les différents moments de la vie. Aussi, l’Etat ou les communes prennent en charge au moins l’entretien du gros œuvre des bâtiments lui appartenant et affectés à un culte.

En conclusion, on peut regretter une faiblesse de cette loi : celle de n’avoir pas défini ce qu’était une religion – ou un culte-.
Par contre, sa grande force est d’avoir découplé clairement citoyenneté et appartenance religieuse et d’avoir reconnu et affirmé la liberté de conscience. Elle permettra l’évolution jusqu’à la notion des droits de l’homme et la déclaration de 1948 ; Elle a aussi mis en valeur, peut être malgré elle, la liberté de l’acte de foi.

LAICITE,

UN CONCEPT QUI EVOLUE DANS UN PAYSAGE MODIFIE

Au 19° siècle, le combat avait été rude entre les « cléricaux catholiques » et les « anticléricaux athées ». Si leurs oppositions étaient violentes, ils se connaissaient, les uns les autres, avaient la même histoire et la même culture.
Au fil des années, d’une laïcité de combat, on était passé à une laïcité de débat, malgré de vives querelles autour de l’école.
Un certain nombre d’événements vont relancer la question de la laïcité, sa définition, ses valeurs, ses champs d’application :
A partir de 1980, des affaires de jeunes filles venant voilées à l’école,
La rédaction du prologue de la constitution européenne et la mention –ou non- de l’héritage chrétien.
La célébration en 2005 de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat a donné l’occasion de redécouvrir ce principe de notre République.

Proposition de quelques « flashs » pour mieux comprendre la laïcité d’aujourd’hui

1. le paysage socioculturel, politique, religieux, s’est modifié. En voici quelques composantes :

- Grande diversité du paysage religieux,

  • De nouveaux cultes apparaissent, islam, bouddhisme… qui ne bénéficient pas de la même inscription dans l’espace et le temps (fêtes, lieux de culte…)
  • Les sectes se développent soit de manière ouverte soit insidieusement. L’Etat a du mal à distinguer ce qui relève d’une religion, à respecter, de ce qui révèle une démarche sectaire dont il doit protéger les citoyens.

- Bricolage individuel de la pratique. La France est un pays rétif au dogmatisme, chacun pratique à sa manière. Or les institutions publiques aiment bien avoir des interlocuteurs

- Dans chaque religion les sensibilités vont d’un extrême à l’autre. Or la diversité n’est intéressant que si on arrive à un pluralisme démocratique.

- Baisse de la pratique régulière.

- Instrumentalisation du religieux. La légitimation religieuse justifie les combats.

- Internationalisation des conflits. Par exemple la répercussion dans les quartiers sensibles du conflit palestinien est manifeste.

- Difficulté de définir le religieux dû à une ignorance incroyable et des aberrations théologiques. En peu de temps la mémoire s’est perdue.

La ligne de partage entre les « religieux » et les laïcs » n’est plus claire.

2. L’Islam par sa visibilité et la radicalité de certains de ses fidèles met à jour à frais nouveaux des questions importantes.

- Actuellement les musulmans nous imposent de tenir compte de la dimension religieuse. Ils nous réveillent d’une neutralité terne.

- Autre question importante, celle de l’appartenance nationale. Pour certains la place de l’Islam en France, ou plutôt celle des musulmans n’est pas d’abord un problème de laïcité mais une question d’intégration, de pluralité, de politique, d’égalité des textes.

Pour comprendre un rappel est nécessaire

- En 1905 la loi de séparation n’est pas appliquée en Algérie à l’Islam pour conserver le contrôle de l’indigénat.

- L’Islam s’est installé en France avec l’immigration ce qui implique une question sociale : celle des plus démunis et une question politique, celle de la discrimination.

Il y a eu d’abord une volonté d’assimilation des immigrés à la société française. Devant l’échec de cette politique, on vise actuellement l’intégration. Elle non plus n’est pas une réussite.
La résistance des 2° et 3° générations à s’intégrer révèlent une question d’identité. La pratique du Ramadan pour beaucoup indique un désir d’appartenir à une communauté plutôt qu’une pratique religieuse.

Quelques réflexions peuvent aider à comprendre :

A. il est important de ne pas confondre identité et citoyenneté.
L’identité concerne la mémoire, la filiation, l’héritage, la terre…
La citoyenneté fait appel à l’histoire, au choix, au contrat social, au vote, à l’adhésion, au territoire… Quand les 2 sont confondus, on risque de glisser vers le totalitarisme.

B. L’intégration : c’est faire d’éléments divers une histoire nouvelle. Ce n’est pas réservé aux immigrés et c’est différent de l’assimilation.

C. Parler de pluralité comprend la pluralité des mémoires, des origines, des systèmes de pensée, des choix politiques.

D. Le droit à la différence sans l’égalité mène au communautarisme. L’offre doit être diversifiée. Pas d’assignation.

E. On peut témoigner de la foi partagée mais on n’a pas le droit de poser un interdit civil.

3. On peut distinguer 3 espaces de vie

- L’espace privé de la conscience individuelle, ( famille, choix personnel…)

- L’espace public et laïc de l’Etat, (services publics, communes, départements…)

- Un espace tiers, celui des institutions « médiatrices » entre l’Etat et les individus : les associations, les institutions religieuses. Sans avoir un devoir de laïcité comme l’Etat, chacun se doit de respecter les autres. Actuellement les limites de la laïcité sont floues. Certains pensent que tout ce qui se passe hors du domicile personnel devrait être laïc. Est-ce que cela correspond à la définition de la laïcité ?

4. La définition de la laïcité s’est complexifiée.

Elle est désormais garante de la cohésion sociale et du respect des autres. Le philosophe Guy Coq propose de distinguer 3 niveaux :

- 1° niveau, la laïcité définie comme un cadre neutre de cœxistence de la pluralité dans une société.

- 2° niveau, pour fonder cette coexistence, on en appelle à des valeurs : la tolérance, l’accueil d’autrui, la liberté de pensée, respect de cette liberté…

- 3° niveau, la laïcité est la manière d’instituer l’espace de la société en s’appuyant sur deux principes :

  • l’autonomie de la société (elle seule se donne ses valeurs et ses lois) ou démocratie
  • la distinction et la séparation entre les institutions de la société et celles des religions.

5. La laïcité, ça s’apprend, ou ça devrait s’apprendre pour qu’elle ne se résume pas au simple désir de tranquillité, l’autre avec ses convictions apparaissant comme un gêneur ;

- Retrouver une culture du débat, de la confrontation, la pensée unique est dangereuse.

- S’attacher à éduquer la conscience, la pensée, s’exercer à la raison critique, y compris dans les medias. Ce rôle revient principalement à l’Ecole. On peut se demander si sa pédagogie en ce domaine a suivi l’évolution de la culture et la modification de la société. « La laïcité, ce n’est pas le refus de se poser des questions, c’est le refus de ne donner qu’une seule réponse » disait Philippe Meyrieux

- S’approprier les valeurs de la République et de la laïcité, proposer des lieux où en discuter.

Pour conclure, la laïcité est toujours liée à une culture. Elle va de pair avec le régime politique de la démocratie. Et pourtant elle n’est pas évidente et dans les nouvelles situations, la réponse à donner ne va pas de soi. Par exemple : L’Ecole est laïque, les élèves doivent-ils l’être ? Et les parents ?

L’Etat est laïc, la société civile doit-elle l’être ?

Quelle place pour l’expression religieuse ?

Quelles « nouvelles cléricatures » sont à combattre ? Les medias ? L’Economie ?

Chacun pourrait continuer la liste selon ce qu’il vit.
Donc être attentif, participer au débat, chaque fois, chercher ce qui est vraiment en jeu… Pour pouvoir vivre ensemble dans le respect, l’égalité et la fraternité.

Quelques définitions :

- Communautarisme : société qui privilégie la communauté intermédiaire sur la communauté nationale

- Discrimination : Action d’isoler et de traiter différemment certains individus ou un groupe tout entier

- Laïcisme : position philosophique qui confond laïcité et lutte contre les religions.

- Prosélytisme : zèle ardent pour imposer ses idées.

- Sécularisation : processus qui soustrait à l’autorité religieuse, qui organise selon les principes de laïcité (les hôpitaux, les écoles…)

Sources : conférences ou articles de René Rémond, Jacqueline Costa Lascoux, Jean-Yves Baziou, Guy Coq, Philippe Meyrieux

Grenoble, le 9 mai 2007 Christine Bois- Givelet