Paroisse Saint Loup


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Homélie du dimanche 27 novembre 2016

Premier dimanche de l’Avent – Année A Eglise Saint Jean-Baptiste de Vif

Cette petite phrase qui n’a l’air de rien au début du deuxième chapitre du Livre d’Isaïe engage toute la suite de la Révélation biblique. Le mot « dernier », en grec « eschatos », a donné le terme d’eschatologie qui sert à désigner la pensée qui s’attache à l’avenir de nos relations avec Dieu. L’eschatologie, c’est ce chapitre de la Révélation qui nous parle du Retour du Christ, du Jugement dernier, de la Résurrection finale, bref, de tout ce qui est devant nous et qui agit déjà dans notre présent.
C’est un chapitre essentiel, même si les chrétiens d’aujourd’hui n’y sont pas toujours très sensibles. Nos Pères dans la foi étaient bien plus passionnés que nous par ces perspectives sur demain. Peut-être avons-nous été un peu échaudés par les sectes qui agitent facilement la perspective d’une fin du monde catastrophique pour terroriser les gens et précipiter l’adhésion à leurs rangs. La figure de Philippulus le Prophète, agitant son gong et invitant à la conversion, dans l’Étoile mystérieuse de Tintin, prête plutôt à rire. Sans doute ce désintérêt pour« l’eschaton », l’ultime, vient-elle aussi, comme l’a vu Benoît XVI, du fait que le monde moderne a eu longtemps une autre eschatologie, celle du Progrès. Prolongeant la courbe des acquis techniques, on a cru que l’avenir était entre nos mains, que l’on verrait toujours plus de civilisation, plus de moyens économiques, plus de perfectionnements sociétaux, plus de durée de vie, et finalement plus de bonheur. Toujours plus ! titrait François de Closets.
Or, de cela on est de moins en moins convaincu. On imaginerait plutôt une fin de la planète, soit à la suite d’un cataclysme climatique ou autre, soit une fin de l’humanité, celle-ci connaissant une régression finale après avoir été portée par l’évolution. Le dépérissement des énergies physiques et psychiques semble plus probable que leur développement à l’infini selon les fantasmes « transhumanistes ». Tout comme le mythe du progrès, la vision négative de l’avenir du monde se nourrit d’un regard bien incertain sur la réalité présente pour en soupeser les chances de survie et de déclin. Mais, dans un sens comme dans l’autre, cette eschatologie purement humaine outrepasse largement les données à notre disposition : pas plus l’origine du monde que sa fin ne sont observables à partir de notre expérience. Claire ou sombre, la futurologie est une utopie.
Tant qu’à avoir une utopie, je préfère celle de la Bible, qui fait quand même plus sérieux, car elle se fonde sur Celui qui, après tout, nous a fait don de ce monde et qui doit en savoir l’aboutissement. Notre époque est peut-être mieux préparée qu’une autre à concevoir que le monde ait eu un commencement. Et ce commencement n’est pas un hasard : il vient de l’intention aimante de quelqu’un qui a suscité toute cette histoire naturelle qui culmine dans l’histoire humaine. C’est d’ailleurs sans doute cette conception judéo-chrétienne qui fit dire, non sans esprit, au cinéaste Woody Allen : « Le hasard, c’est Dieu qui se promène incognito ».
Comment ne pas penser que la fin sera à la mesure du commencement ? Au lieu de l’éternel retour, de la destruction cyclique de tout ce qui existe, nous découvrons avec la Bible une histoire orientée, traversée de péripéties, mais où Dieu poursuit un dessein bienveillant qui aboutit à une apothéose de lumière et de vie. Mais celle-ci n’est pas seulement un « happy end » au terme d’une gentille histoire pour endormir les enfants sages ; elle est dramatique, elle suppose un jugement, une mise à plat de l’expérience humaine, la séparation d’avec le mal qui colle à la peau de l’humanité depuis le premier péché. C’est à ce prix que la solution entrevue est sérieuse et n’ignore les terribles déboires par lesquels il a fallu passer. Il est donc grand temps de nous replonger dans les prophètes qui font chanter pour nous une espérance à la fois très concrète et qui ne s’épuise pas dans un horizon trop court. Eux seuls savent dire l’inouï qui nous attend.
Une ultime question (mais pas la moindre !) se présente encore à nous, et elle n’est pas nouvelle : si, par sa Résurrection, Jésus ouvre le Royaume de Dieu, comment se fait-il qu’Il tarde tant à le manifester ? Pris par le sentiment que le Retour glorieux du Ressuscité est renvoyé aux calendes grecques, nous pourrions bien – comme à l’époque de Noé – éteindre en nous le désir de Dieu et nous laisser gagner par l’insouciance, comme si nous tenions de nous-mêmes notre propre vie. Alors, pour ne pas nous laisser surprendre par les eaux du déluge, faisons confiance et tenons-nous prêts. A l’heure où il le décidera, « à l’heure où nous n’y penserons pas », le Seigneur viendra dans la Gloire. Préparons-nous et veillons !

Père Thibault NICOLET

« Il arrivera dans les derniers jours… »

Références des textes liturgiques :
Isaïe II, 1-5
Psaume CXXI (CXXII)
Épitre de saint Paul Apôtre aux Romains XIII, 11-14
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu XXIV, 37-44.