Paroisse Saint Loup


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Trente-troisième dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Dimanche 18 novembre 2018 église Saint Jean-Baptiste de Vif

Un monde nouveau

Le prophète Daniel a eu de nombreuses visions envoyées par le Seigneur. Celle qu’il nous décrit ici concerne la résurrection des morts. Au dernier jour de ce monde s’ouvriront les portes de la vie éternelle, dans laquelle Dieu accueillera tous les hommes de bonne volonté. Viens, Seigneur, nous t’attendons !
Dans l’Ancien Testament, les fidèles offraient des sacrifices pour demander pardon à Dieu mais ils n’étaient pas vraiment délivrés de leurs péchés. Seul le Christ, dans la gloire de sa résurrection, peut nous pardonner et nous donner la grâce de vivre dans son amour et de marcher avec lui sur le chemin de la sainteté.
En saint Marc, Jésus parle de la fin des temps, des derniers jours qui auront lieu avant que Dieu inaugure un « monde nouveau », où l’amour régnera définitivement. Ses mots peuvent faire peur, mais ils reprennent un langage que les Juifs avaient l’habitude d’entendre. Il ne faut pas les prendre au sens propre. Selon Jésus, il n’y a que Dieu le Père qui connaît la date de la fin des temps. Parce que nous n’en connaissons ni le jour ni l’heure, il faut se préparer dès maintenant à accueillir l’amour de Dieu et à en vivre, en allant à la messe, en priant, en aimant ceux qui nous entourent de tout notre cœur.
Le livre de Daniel est contemporain d’une période troublée. Il dresse un constat très critique sur l’action d’Antiochus Epiphane (175-164) qui s’efforce de transformer Jérusalem en cité grecque. Quand, en 167, il introduisit dans le temple une représentation figurée de Dieu, les derniers temps semblèrent arrivés.
C’est dans ce contexte que les apocalypses fleurirent avec des représentations catastrophiques de la fin d’un monde. Les armées célestes s’y déploient avec Michel qui est avant tout une question : Qui est comme Dieu ? La réponse nous a été donnée dans le Deutéronome : Dieu est UN (Dt VI, 4).
Ici, et pour la première fois, la résurrection des morts est envisagée pour les individus dans l’idée d’une destinée éternelle. Ce n’est pas une simple métaphore pour traduire un retour à la normale comme en Ezéchiel XXXVII. Probablement faut-il voir, dans cette promotion de la personne, une influence précisément de la culture hellénistique que l’on combattait par ailleurs avec la plus extrême énergie.
L’influence de cette pensée s’avérera décisive dans les évangiles, quand les premières communautés auront à penser l’expérience pascale et le retard de plus en plus grand du retour du Seigneur. Elles trouveront là un langage pour exprimer leur conviction ultime : la victoire de Jésus sur la mort, son retour dans la gloire à venir et notre entrée à sa suite dans le Royaume du Père.
En cet avant-dernier dimanche ordinaire de l’année B, nous lisons pour une ultime fois l’évangile de Marc. Et de fait, il s’agit ici d’eschatologie, c’est-à-dire des « choses dernières », auxquelles Jésus nous invite à réfléchir.
Paradoxalement, Jésus associe au bouleversement cosmique, annonciateur de la venue du Fils de l’homme, l’image paisible d’un figuier qui déploie ses jeunes feuilles. Comme si la transition d’un monde à l’autre était aussi naturelle et simple que la montée de sève au printemps. Cette représentation semble bien loin des peurs eschatologiques agitées par nombre de sectes au fil des changements de siècles et de millénaires !
Pourtant, c’est bien de fin des temps qu’il s’agit : fin des temps, fin du temps, fin du monde, fin de notre monde. De surcroît seul Dieu en connaît la date ! Certes, les chrétiens d’aujourd’hui ne croient plus à l’imminence de la fin du monde, comme les premières générations. Alors, que signifient ces paroles de Jésus ? En fait, il nous invite tout simplement à nous tenir prêts pour son retour, pour sa présence dans l’humble quotidien de nos vies, que ce soit lors d’événements tragiques (en temps de détresse), ou dans les petits bonheurs tranquilles (les jeunes feuilles du figuier). S’il n’y a nul besoin de s’inquiéter d’une fin qui, de toute façon, arrive à son heure, il y a en revanche urgence à vivre ce temps qui nous est donné, en nous laissant happer et façonner par l’amour du Christ, et en aimant à notre tour. Là est la seule inquiétude.
Les deux derniers dimanches de l’année liturgique nous amènent à envisager la fin de l’histoire. Entre la conception contemporaine du futur et celle qui nous est livrée par l’Écriture, la différence est grande cependant. La première envisage l’extinction des espèces à plus ou moins long terme, un retour au non-sens, quand la seconde nous ouvre à l’éternité en Dieu.
Les images qui traduisent ces visions de la fin sont reçues comme autant d’avertissements qui nous deviennent familiers, par tout ce qu’on entend sur le dérèglement du climat ou l’influence nocive de nos modes de vie. En tout état de cause, elles traduisent des manières de nous représenter ce qui ne peut l’être en mettant en scène notre propre finitude. Elles maintiennent ouvertes les questions ultimes que, par ailleurs, le divertissement ambiant essaie d’occulter. Elles sont donc d’une extrême utilité.
Dans la vision du grand prêtre qui attend pour rendre le jugement ou la venue du Fils de l’homme triomphant, une même conviction transparaît : notre fin est un rendez-vous avec Dieu. Bien sûr, il y a les épreuves, les souffrances, les arrachements, les adieux ; mais, par-dessus tout, il y a des bras qui nous sont ouverts, au-delà de toute représentation possible. Alors Dieu sera tout en tous (1 Co XV, 28).
Nous pressentons cette réalité, en toute discrétion, dans la nature elle-même : notre propre destinée aboutit à une nouvelle naissance en Dieu, ce que nous étions hier sera à la fois de même nature et totalement neuf.

Père Thibault NICOLET

Références des textes liturgiques :
Livre du prophète Daniel XII, 1-3 ; Psaume XV (XVI) ;
Lettre aux Hébreux X, 11-14. 18 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc XIII, 24-32