Paroisse Saint Loup


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Fête de la Sainte Famille – Année C

dimanche 30 décembre 2019 église Saint Jean-Baptiste de Vif

« Il me faut être chez mon Père »

Il vous est sans doute arrivé de penser que Jésus a toujours tout connu des mystères de la vie, dès sa naissance dans l’étable de Bethléem. Nous serions d’ailleurs fondés à le croire théologiquement en vertu de sa condition divine. Mais n’oublions surtout pas la dimension humaine de son être ! Il a beaucoup appris de Marie et de Joseph, il a pris le temps de grandir au sein d’une famille et il a éprouvé la joie d’être aimé de ses parents mais il a aussi connu des déceptions et même la tentation. Comme nous tous, il a connu la joie et la tristesse de toute vie humaine. Comme le dit saint Paul, il est pareil à nous en toutes choses, excepté le péché (expression reprise dans la Prière Eucharistique IV). Cela signifie qu’il marche avec nous à tout moment de notre vie. Dieu a toujours été proche de toute l’humanité, mais combien cela nous paraît plus clair grâce à la présence incarnée de Jésus au milieu de nous. Cela nous dit que la vie de Dieu et la nôtre sont toujours intimement imbriquées en un lien éternel.
Ce lien se vit tantôt dans la paix, tantôt dans l’inquiétude. Et c’est bien le sentiment de l’inquiétude qui prévaut dans cette question de Marie : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? » Accumulation de soucis familiaux, échec d’un projet où nous avions mis tout notre cœur, hostilité d’une personne chère, aridité spirituelle, ébranlement de notre vie de foi… Combien de raisons de dire à Jésus : « Pourquoi nous fais-tu cela ? Où te caches-tu quand nous te cherchons ? Pourquoi ne réponds-tu pas à nos prières ? » Bien souvent, sur le moment, comme Marie et Joseph, nous restons là sans comprendre. Pourtant, quand le Seigneur est « chez son Père », nous pouvons être sûrs de ne pas être oubliés, car son Père est aussi le nôtre. Que Notre Dame nous apprenne à garder avec confiance ces événements dans notre cœur. Plus tard, en cette vie ou dans l’autre, nous réaliserons avec émerveillement comment la grâce de Dieu a agi au creux même des périodes les plus difficiles de notre existence.
Nous avons entendu dans la première lecture combien Anne avait attendu longtemps la joie d’avoir un enfant. Et pourtant, elle ne le garde pas pour elle : elle le consacre à Dieu. Ce texte de l’Ancien Testament nous permet ainsi de comprendre que si, dans nos familles humaines, nous sommes les enfants de nos parents, nous sommes aussi, par notre baptême, les enfants de notre Père des Cieux. Et à ce titre, nous sommes certains d’être l’objet de son amour. Écoutons avec quelle tendresse (« Mes bien-aimés ! ») saint Jean nous parle de l’amour de Dieu en nous rappelant le commandement de Jésus : nous aimer les uns les autres. Mais ce n’est pas toujours facile et y compris quelquefois dans notre propre famille ! Demandons à Jésus de savoir aimer comme il nous aime : saint Jean le dit, Dieu nous l’accordera.
Car le Christ est bien Celui qui a su aimer, prier et témoigner de l’Amour du Père ! En témoigne cette page empruntée aux évangiles de l’enfance en saint Luc rapportant l’épisode où Jésus, comme tous les enfants juifs de son âge, participe au pèlerinage annuel à Jérusalem. Il fait alors une chose surprenante : il laisse ses parents pour privilégier la rencontre avec Dieu, son Père, au Temple. Sans vouloir leur faire de peine, il fait comprendre que ce qui est premier, pour lui, c’est sa mission et la confiance qu’il place en Dieu. Nous aussi, nous sommes invités à placer notre confiance en Dieu. Il ne s’agit pas de se désintéresser des membres de notre famille, ni de ceux qui nous entourent, mais plutôt d’accueillir Dieu en nous afin de vivre de sa paix, de son amour et de sa joie.
Prenons donc le temps de méditer en contemplant ce beau petit jeune homme qui n’est autre que Dieu incarné. Quelle liberté de mouvement en lui ! A douze ans, revêtu d’une autonomie presque insolente, il décide, et son plan était prévu de toute éternité, de rester à Jérusalem alors que ses parents s’en retournent à leur village situé à cent cinquante kilomètres de distance. Et il sait ce qu’il fait, et plus encore ce qu’il doit faire. Dans le Temple qui est sa maison, il est à son aise et il dialogue – le verbe est approprié – avec les plus hautes autorités religieuses de son temps. De son intelligence acérée, il interroge plus qu’il n’affirme, et par là permet un véritable échange où personne ne se sent humilié. Il répond également aux questions que les docteurs de la Loi ne peuvent que lui poser, tant sa clairvoyance séduit et effraie. Près du Saint des Saints, le climat est serein et d’une densité extrême. Pendant ce temps, Marie et Joseph courent de tous côtés pour retrouver l’Être confié. Trois jours, trois nuits enfermés dans le tombeau de l’angoisse avant de voir leur Jésus deviser à armes égales avec leurs rabbis. « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? » «  Mon !... Nous !... Ça alors ! Je ne comprends pas que vous ne compreniez pas que mon père me veut en sa maison au règlement de ses affaires ! » Et c’est en effet sur fond d’incompréhension, immédiatement dépassé par un élan d’abandon à ce mon qui résonne encore à leurs oreilles, que Jésus, mains en celles de ses parents, regagne comme tout enfant de douze ans son village et sans doute ses jeux.
Le premier respect que l’on doit à son semblable, fût-il enfant, est de lui accorder la liberté de sa pensée et de ses mouvements, du moins si le sens de la responsabilité est déjà installé dans la neuve intelligence. Ne pas museler, faire confiance, ouvrir grand le champ des possibles au risque d’être imprudent, sont les trois voies qui donneront à l’individualité d’exister avec courage et d’offrir au monde souvent éteint le spectacle brûlant d’une personnalité créée unique et indispensable. Toute réserve excessive bloquant les pas du nouveau venu prive la terre d’une grâce accordée à l’attente divine. Ainsi le Fils en sa jeunesse a-t-il pris la liberté d’en user sans avertir personne, faisant apparemment cavalier seul ; mais que l’on ne se méprenne pas : être libre, c’est être en Dieu.

Père Thibault NICOLET

Références des textes liturgiques :
Premier Livre de Samuel I, 20-22. 24-28 ; Psaume LXXXIII (LXXXIV) ;
Première Lettre de saint Jean III, 1-2. 21-24 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc II, 41-52.