Paroisse Saint Loup


Sommaire > Vie de la paroisse > Homélies > Archives > 2020 > Carême 2020 > 2ème dimanche de carême année A

2ème dimanche de carême année A

Dimanche 8 mars 2020, église St Jean-Baptiste à Vif

Il est bon que nous soyons ici

Quel rapport pourrait-il y avoir entre le « quitte ton pays » entendu par Abraham, et le « Il est bon que nous soyons ici » prononcé par Pierre dans l’évangile d’aujourd’hui ? Abraham a obéi au Seigneur, il a quitté son pays et ses parents pour aller vers un pays inconnu... En regard, Pierre voulait-il s’installer dans le confort d’une vision merveilleuse ?
Il y a quelques années, au cours d’une excursion sur la plateau ardéchois, j’ai visité l’abbaye cistercienne de Notre Dame des Neiges. J’ai été un peu étonné par la phrase « Il est bon que nous soyons ici  » inscrite en gros sur un panneau de l’exposition consacrée à la vie des moines... Ces hommes ont quitté leur pays, leur famille, pour venir s’installer sur la montagne ardéchoise où la vie est rude – même si ce n’est pas ce que l’on appellerait chez nous une haute montagne – et mener une vie de prière et de travail dans la stricte observance de la règle cistercienne... Et l’un d’eux, Charles de Foucault a fait autrefois le choix plus radical d’une vie encore plus austère, sur une autre montagne au fin fond du Sahara...
Il est en effet bon que les moines soient là où ils sont, s’ils ont répondu à l’appel de Dieu, et s’ils répandent autour d’eux la lumière du Christ, auprès des touristes et des visiteurs aujourd’hui, et des voyageurs égarés et pèlerins de passage autrefois... Ils sont là où ils doivent être, là où Dieu les a appelés à être.
Mais qu’en est-il de Pierre, Jacques et Jean ? Ils ont quitté leurs familles en suivant Jésus, ils sont venus à sa suite sur une haute montagne, et ils contemplent la gloire de Jésus, en compagnie de deux des plus grands personnages de la Bible... Pierre propose de dresser trois tentes, une pour Jésus, une pour Moïse, une pour Elie. Il ne pense pas à lui ni aux deux autres disciples : ce sont des pêcheurs habitués aux conditions de vie rudes, ils n’ont pas besoin de tente... Et Pierre n’envisage sûrement pas de s’installer là, il veut juste prolonger ce moment de grâce.
Il pense sans doute qu’il assiste à l’aboutissement de la mission de Jésus... Mais ce n’est pas la fin ! La voix venue du ciel renouvelle l’annonce entendue lors du baptême de Jésus : « celui-ci est mon fils bien aimé »... Et elle ajoute « écoutez le ». La mission de Jésus ne s’arrête pas là, mais pour arriver à son plein aboutissement, Jésus devra passer par la croix. Ce dont les apôtres sont témoins à ce jour n’est qu’une préfiguration de la gloire de Jésus après sa mort et sa résurrection, mais ils ne le comprendront que bien plus tard. En attendant, ils n’ont pas besoin de Moïse ni d’Elie, ils ont Jésus, ils n’ont besoin que de l’écouter. Ce n’est pas le moment pour eux de s’attarder sur cette montagne, ils doivent se remettre en route pour suivre Jésus...
Plus tard, Pierre, Jacques et Jean quitteront eux aussi leur pays pour annoncer l’Evangile. Pierre et Jacques eux aussi donneront leur vie...
Et aujourd’hui, qu’est ce que cela signifie pour nous ? Pour ma part, je n’ai quitté que la banlieue lyonnaise pour venir faire mes études à Grenoble, puis habiter à Vif. Pas de quoi faire de moi un saint !
Quitte ton pays... Cela peut aussi vouloir dire quitter sa zone de confort, pour s’engager là où le Seigneur nous attend... Nombre d’entre nous ici l’ont sûrement déjà fait ! Cela peut être dans le sacrement du mariage ou de l’ordre pour ceux qui ont reçu ou se préparent à recevoir un de ces sacrements, ou dans tout autre engagement au service de l’Eglise ou des autres. Cela peut-être aussi adopter un mode de vie plus sobre et respectueux de la création, comme nous y appellent le pape François et notre action de carême. Et en ce moment, je pense aussi tout particulièrement à ceux qui quittent leur pays sans l’avoir choisi ni avoir ressenti un quelconque appel de Dieu, simplement parce qu’une vie digne et libre - ou la vie tout court - n’est plus possible pour eux là où ils sont... Alors, je pense aussi à ceux qui s’engagent pour les accueillir, en particulier sur notre paroisse...
Il est bon que nous soyons ici... Nous pouvons le dire, si nous sommes là où Dieu nous attend ! Sachons aussi nous poser, là où nous sommes, en cherchant à faire Sa volonté dans l’instant présent, sans nous attarder sur nos échecs et nos erreurs... Et si nous sommes parfois tentés de nous attarder dans le confort d’un instant présent agréable, sachons nous remettre en route !
Amen

Gilles Berger Sabbatel

Références des textes liturgiques :
Genèse 12n 1-4a ;
Psaume 32 (33) ;
2ème lettre de St Paul à Timothée 1, 8b-10 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 12, 1-9.