Pâques
18 avril 2017
Vigile Pascale et Saint Jour de Pâques – Année A
Eglises de Saint-Paul-de-Varces et Saint Jean-Baptiste de Vif
Christ est vraiment ressuscité !
Bien sûr Jésus l’avait dit : « et le troisième jour il (le Fils de l’homme) ressuscitera d’entre les morts ». Mais la tempête était passée là-dessus et les promesses ne pesaient pas bien lourd devant l’évidence de l’échec lamentable, le corps zébré de coups et la dispersion des disciples. Il y avait eu, il est vrai, un peu avant, la résurrection de Lazare, mais on n’en parlait plus ; la consigne du silence avait fonctionné car le bruit courait que les autorités de Jérusalem voulaient éliminer aussi Lazare afin de couper court aux rumeurs. Et puis ce n’est quand même pas la même chose de tirer un cadavre de son tombeau et de sortir soi-même de la mort, et de quelle mort !
La Résurrection n’éclate pas comme un coup de tonnerre dans le ciel de Jérusalem. Pilate et Caïphe peuvent dormir tranquilles, le Christ ne viendra pas les surprendre au saut du lit. C’est même étonnant comme la Résurrection est discrète : pas de brillance particulière sur son visage (comme lors de la Transfiguration), pratiquement pas de miracle (exception faite de la pêche miraculeuse rapportée en saint Jean, XXI). L’événement lui-même, le relèvement du corps inanimé étendu sur la banquette (car c’est cela que signifie le mot « ressusciter ») échappe, on n’en voit que les suites. C’est d’ailleurs un peu pareil avec tous les miracles de Jésus : les spectateurs de la multiplication des pains n’ont pas vu d’un coup se former une énorme masse de pains et de poissons, ils ont vu sortir des paniers un morceau, puis un autre, puis encore un autre et cela sans s’arrêter. Un malade guéri à Lourdes racontait qu’il n’avait pas tout de suite compris que ses jambes avaient été guéries : il s’était vu marcher vers les lieux d’aisance et s’était dit soudain : « Mais je marche ! ».
Pourtant l’événement a bien eu lieu et il est irréversible : le cadavre de Jésus a disparu en laissant derrière lui ses linges pliés et ce qu’on rencontrera, ce que certains du moins retrouveront, c’est le Maître qu’ils ont connu et aimé, parlant et agissant avec sa manière inimitable, les entraînant en Galilée.
Cette insertion de l’inouï, de l’inimaginable, au sein même de notre monde régi par les lois de la nature et la mort inéluctable, pose évidemment une question grave : croyons-nous là en un conte de fées ? Ou encore : est-il raisonnable d’admettre que Dieu, auteur de la nature, se plaise à en bousculer les lois à volonté ? Ne serait-il pas plus sage de penser que rien n’a changé dans la réalité matérielle, que le corps de Jésus a disparu pour des raisons mystérieuses, mais qu’il est vivant d’une autre façon, dans nos cœurs, dans nos vies, etc. ?
Soutenir cette position (comme on l’a beaucoup fait malheureusement) revient à prendre acte du fait que rien ne peut changer dans notre monde dominé par la loi de l’entropie (c’est-à-dire l’inévitable dégradation de l’énergie, qui ramène tôt ou tard le vivant au niveau du minéral). Que de la réalité présente nous avons toutes les clés et que rien ne peut nous surprendre. Que le monde matériel est définitivement à distance des réalités spirituelles qui se déroulent dans un autre registre, etc.
Toute la Bible proteste contre cette vision des choses. Certes Dieu laisse ce monde suivre son cours. Depuis le Déluge, il s’interdit de bousculer la météorologie de façon radicale. Mais il ne cesse d’être présent à sa création, jouant un jeu souvent discret, pour éviter que notre foi en lui ne se confonde avec une évidence sensible qui lui enlèverait tout mérite. Mais au sommet de son œuvre, en son Fils bien-aimé venu chez nous, il a touché ce vieux monde en deux points sensibles pour manifester le changement inouï qu’il voulait introduire : l’origine de la vie et la mort. La naissance virginale de Jésus et sa Résurrection nous ouvrent à la nouveauté radicale. En lui s’est opéré dans le secret un changement inimaginable qui prépare notre avenir. Y croyons-nous suffisamment ?
Saintes Fêtes de Pâques à toutes et à tous !
Père Thibault NICOLET
Références des textes liturgiques :
Genèse I, 1 – II, 2 ;
Psaume CIII (CIV) ;
Genèse XXII, 1-18 ;
Psaume XV (XVI) ;
Exode XIV, 15 – XV, 1a ;
Cantique (Exode XV, 1b, 2, 3-4, 5-6.17-18) ;
Isaïe LIV, 5-14 ;
Psaume XXIX (XXX) ;
Isaïe LV, 1-11 ;
Cantique (Isaïe XII, 2, 4bcd, 5-6) ;
Baruc III, 9-15.32 – IV, 4 ;
Psaume XVIII B (XIX) ;
Ézéchiel XXXVI, 16-17a. 18-28 ;
Psaume L (LI) ;
Épitre de saint Paul Apôtre aux Romains VI, 3b-11 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu XXVIII, 1-10.
Actes des Apôtres X, 34a.37-43 ;
Psaume CXVII (CXVIII) ;
Épitre de saint Paul Apôtre aux Colossiens III, 1-4 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean XX, 1-9.