Temps de Pâques 2020
21 avril 2020
Homélie pour le Saint Jour de Pâques, 12/04/2020, Année A
Il vit et il crut !
Primitivement, la solennité pascale ne comportait que la Veillée sainte qui durait jusqu’à l’aube. Le désir de prolonger la fête tout au long du dimanche est à l’origine, dès le IVème siècle à Jérusalem, de la messe du jour et d’une célébration l’après-midi. Des vêpres pascales ont lieu à Rome à partir du VIIème siècle. La réforme post-conciliaire a prévu une messe vespérale. Les lectures, les oraisons et les chants ponctués d’Alléluia proclament combien l’événement de la résurrection est source de lumière, de vie nouvelle et de joie infinie. Dans l’évangile, saint Jean nous fait participer à sa découverte du tombeau vide, l’un des garants de notre foi. Saint Pierre (première lecture) affirme avec force que Jésus est bien ressuscité : Il a mangé et bu avec lui après sa résurrection. Saint Paul relie la Pâque chrétienne à la Pâque juive en présentant le Christ comme le véritable agneau pascal (deuxième lecture au choix). Son invitation à célébrer la Pâque avec « du pain non fermenté (de perversité) « est si vitale qu’elle est reprise dans l’antienne de communion.
Chez le païen Corneille, Pierre proclame que la résurrection est l’événement clé du mystère de Jésus et de sa vie publique. La foi pascale de l’Eglise est celle de Pierre et des apôtres « qui ont mangé et bu » avec le crucifié ressuscité.
Et qui mieux d’autre que le Psalmiste pour exprimer cette joie : « Ce jour qu’a fait le Seigneur, aujourd’hui, est un jour de joie » : la merveille de notre salut est accomplie par la résurrection, Alléluia !
Pour saint Paul, la primauté de la vie intérieure dans le Christ découle de la primauté de la vie nouvelle, celle de Jésus ressuscité, celle de la grâce baptismale.
L’évangile du jour nous conduit au seuil du tombeau vide, garant de notre foi. Pierre n’accède pas aussi rapidement que Jean à la foi pascale ; ce dernier croit sans même voir Jésus ressuscité : liberté et mystère de la grâce.
Il nous reste à repartir sans cesse de cet événement central de notre foi pour y puiser la force d’évangéliser. Et c’est bien là que le plus difficile commence… Hors de question, je ne sais pas convaincre et je ne suis pas assez formé ! Voilà deux arguments qui reviennent souvent lorsque l’on propose à des chrétiens d’évangéliser ! Certes, mais il est important de se rappeler que la première évangélisatrice n’est autre que Marie-Madeleine, la pécheresse, et visiblement, elle n’a pas tout de suite compris ce qui se passait… En dépit de cette incompréhension, elle s’est quand même remise en route pour annoncer la nouvelle aux apôtres. Et c’est parce qu’elle a osé le faire que Pierre et Jean ont couru vers le tombeau et que leurs yeux se sont ouverts. A notre tour, n’attendons pas d’avoir tout compris pour annoncer !
Mais j’en reviens à l’évangile du jour : il est construit autour de trois personnes : Marie-Madeleine, Simon-Pierre et celui que l’évangéliste appelle « l’autre disciple ». Une femme et deux hommes. Selon une récente étude – américaine bien sûr ! – les hommes et les femmes disposeraient d’une vision différente. Ces messieurs seraient plus sensibles aux petits détails, alors que ces dames seraient plus enclines à distinguer les couleurs. Ce n’est dons plus désormais une légende : les cinq sens ne fonctionnent pas avec la même acuité chez les hommes et chez les femmes ! Dès lors, nous comprenons mieux pourquoi, ce grand matin du premier jour de la semaine, près du tombeau, Marie-Madeleine, Pierre et l’autre disciple ne voient pas la même chose. Marie « voit que la pierre ca été enlevée » ; l’autre disciple voit que « le linceul est resté là » et Pierre voit « le linceul resté là, et le linge ». Bien que ne voyant pas exactement la même chose, leurs découvertes convergent malgré tout vers une conclusion identique : le tombeau est vide !
« C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. » Une fois encore, Jean devance à nouveau Pierre, non plus dans sa course, mais par l’intuition de son cœur qui le porte à voir au-delà de ce qu’il perçoit. Et ce voir le conduit à poser un acte de foi, c’est-à-dire à croire. Dans l’Evangile, ce n’est pas la première fois que notre attention se porte sur ce rapport entre voir et croire. Bien souvent, le croire précède le voir : à l’annonce de la naissance de Jésus, l’ange demande à Marie de croire avant de voir (Luc I, 26-38). Mais même pour ceux qui ont vu d’abord, ils doivent passer au-delà pour croire : Jean-Baptiste voit la colombe demeurer sur Jésus, et il croit que « celui-là est bien le Fils de Dieu » (Jean I, 34). Et cela vaut aussi pour le disciple de l’évangile qui commence par voir avant de croire.
Certains aimeraient avoir des raisons crédibles pour croire en la résurrection de Jésus. Certes, le simple bon sens peut nous inciter à y croire un minimum. Par exemple, on peut considérer les linges comme des pièces à conviction ! En effet, contre ceux qui prétendent que le corps de Jésus a été subtilisé par ses disciples, on peut aisément répondre : « Si on avait pris le corps, on aurait pris les linges aussi ! Et s’il était encore mort, s’il s’agissait d’un cadavre, on n’aurait évidemment pas enlevé les linges qui le recouvraient ! » C’est là un argument convaincant, mais insuffisant pour prouver la résurrection. La résurrection reste un mystère et un mystère ne se prouve pas ! Seule une adhésion personnelle – qui suppose un acte de foi – peut nous aider à y voir un peu plus clair : « Dans la foi, le Christ n’est pas seulement celui en qui nous croyons – la manifestation la plus grande de l’amour de Dieu -, mais aussi celui auquel nous nous unissons pour pouvoir croire. La foi non seulement regarde vers Jésus, mais regarde du point de vue de Jésus, avec ses yeux : elle est une participation à sa façon de voir » (Lumen Fidei, n.18). C’est là une invitation à nous laisser rencontrer personnellement par le Ressuscité.
Père Thibault NICOLET
Références des textes liturgiques : Livre du Livre des Actes des Apôtres X,34a.37-43 Psaume CXVII (CXVIII) Epître de saint Paul Apôtre aux Colossiens III, 1-4 Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean XX, 1-9