Paroisse Saint Loup


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Avent et Noël 2021

7 décembre 2021

Deuxième dimanche du Temps de l’Avent Année C

S 4/12/2021 église Saint François de Sales, les Saillants-du-Gua

« Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. »

Dès les premières lignes de son évangile, au chapitre I versets 1à 4, saint Luc entend faire œuvre d’historien en s’adressant à un certain Théophile, destinataire de son écrit.
Il précise en effet, à propos de son message, « après m’être soigneusement informé », qu’il s’agit d’un écrit « très ordonné » […] « afin que tu puisses constater la solidité des enseignements que tu as reçus » (v.4).
Il ne faut donc pas s’étonner des précisions historiques qu’il nous donne. Dès le chapitre II, pour relater la naissance de Jésus – Évangile lu pendant la nuit de Noël – il renvoie au recensement ordonné par l’empereur César Auguste et au mandat de Quirinius, gouverneur de la Syrie, qui avait également la Palestine sous sa juridiction. Le temps a passé depuis la naissance de Jésus. Luc le manifeste en mentionnant le nouvel empereur, Tibère, en précisant « la quinzième année de son règne » et en nommant d’autres personnages bien situés et connus, exception faite de Lysanias dont on sait très peu de choses. Ces précisions sont données selon les usages de datation romains et comportent souvent des imprécisions de quelques années. Denis le Petit, moine du VIème siècle, s’est trompé en prenant à la lettre la date de 28 après Jésus-Christ et la mention du verset 23 précisant l’âge de Jésus au moment de son baptême (environ 30 ans) pour dater l’ère chrétienne. Son calcul, en effet, aboutit à faire naître Jésus après la mort d’Hérode le Grand (4 avant Jésus-Christ) alors que celui-ci était encore vivant selon le récit de saint Matthieu.
Aussi n’est-ce pas la précision chronologique au sens moderne que Luc recherche, mais un argument théologique supplémentaire pour la réalité de l’incarnation. N’oublions pas en effet, car la question du plan est très importante chez Luc, que contrairement à Matthieu, il a d’abord cherché à montrer la filiation divine de Jésus. C’est le but premier de son évangile de l’enfance. Matthieu avait commencé, lui, par la généalogie humaine de Jésus. Chez Luc, celle-ci n’intervient qu’au chapitre III, après son baptême par Jean au verset 23. Mais elle est en quelque sorte préparée par les précisions historiques que donne Luc.
Même avec une légère imprécision des dates, courante chez les historiens de cette période, l’évangéliste veut donc nous montrer que l’incarnation du Fils de Dieu se situe à un moment précis de l’histoire des hommes, montrant bien que Jésus est un personnage historique, un homme marqué par son temps, son origine, sa langue, annonçant cependant un message qui dépasse le cadre de son époque puisqu’il s’agit de l’annonce du Royaume de Dieu, mais que, du fait même qu’il est ce juif de Palestine vivant sous le règne de Tibère, il va néanmoins s’exprimer et enseigner à partir des problématiques de son temps. Et même s’il sera pratiquement toujours amené à les dépasser, c’est à partir d’elles qu’il enseignera. C’est pourquoi la portée éternelle des paroles du Christ ne peut se saisir qu’à partir de leur incarnation dans le temps et dans le pays où il vécut au milieu des hommes.
Par conséquent, leur actualisation passe nécessairement par l’étude de ce temps particulier que vécut la Palestine à la quinzième année du règne de Tibère et du mandat de Ponce Pilate, étude qui implique le rapprochement des sciences (surtout l’exégèse et l’histoire des Pères de l’Église) permettant de connaître cette époque au plus près. Au cours de l’histoire de l’Église, les grands moments de renouveau sont passés par là !
C’est de l’enseignement de Jésus que je voudrais à présent dire quelques mots. Le texte nous parle d’un baptême de conversion pour le pardon des péchés, s’appuyant sur une prophétie du second Isaïe, chapitre XL versets 3 à 5.
Cette prophétie date du retour de l’Exil. Vous savez que l’Exil à Babylone fut considéré par les prophètes comme un châtiment divin infligé par Dieu à son peuple, à cause de son infidélité à la loi, et très précisément comme la punition de son idolâtrie. Certains prophètes, comme le deuxième Isaïe mais aussi Jérémie et Ezéchiel, ont vu dans ce retour une sorte de nouvel Exode. Comme l’Égypte, la terre d’exil est une terre d’esclavage remplie d’idoles, et le peuple la quitte pour la terre promise. L’annonce du Royaume de Dieu par Jésus, préparée ici par Jean, est aussi présentée comme un nouvel Exode ; il faut partir par le désert de Jean-Baptiste et aussi par la purification que procure son baptême pour avancer vers cette nouvelle terre promise qu’est le Royaume. Saint Matthieu est encore plus clair lorsqu’il interprète le retour d’Égypte accompli par Jésus et la Sainte Famille comme un nouvel Exode, parce qu’ils n’ont plus à craindre la persécution d’Hérode, allant même jusqu’à citer le prophète Osée : « D’Égypte j’ai appelé mon fils » (Osée XI, 1).
Se mettre en marche vers le Christ, c’est donc accepter l’épreuve du désert et l’effort pour la surmonter. Cette notion d’effort est signifiée dans la prophétie par tout ce travail d’aplanissement de la route du Seigneur. Lorsqu’un roi arrivait quelque part, il fallait aplanir, réparer, restaurer les routes et niveler les obstacles. C’était du travail et des efforts pour qui voulait vraiment aller à la rencontre du roi en facilitant sa venue. Jean demande ce genre de démarche pour le pardon des péchés, la conversion dont le signe sera le baptême.
Si l’on souhaite vivre une nouvelle évangélisation, et je dis ‘si’ car on n’en entend finalement bien peu parler et on voit encore moins agir en ce sens, il faudra passer par un retour à la pénitence et nous placer pour cela dans l’esprit du nouvel Exode. Il faut penser, bien sûr, à tous ces chrétiens qui ont déserté l’Église parce qu’on ne leur a rien transmis. Le taux de pratique en France est, selon les lieux, entre un et demi et trois pour cent de la population. Quelle foule, mais aussi quel désert ! Il faut des voix de prophètes, des relais de Jean-Baptiste pour mener à Jésus.
Trop de pratiquants se piquent aujourd’hui d’esprit scientifique, sans nécessairement le posséder, et se proposent de tout vérifier comme beaucoup de leurs contemporains. Qu’ils se souviennent de la remarque de saint Bernard qui disait à ses moines que « la foi ne saurait être réduite, la foi comprend les choses invisibles et ne se ressent point de la faiblesse des sens. Elle passe même les bornes de la raison humaine, l’usage de la nature et les limites de l’expérience. » Alors peut-être parviendront-ils à retrouver le chemin de la sagesse.

Père Thibault NICOLET


Références des textes liturgiques :
Livre du prophète Baruc V, 1-9 ; Psaume CXXV (CXXVI)
Lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens I, 4-6. 8-11 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc III, 1-6

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