Juin à Novembre 2022
7 juin 2022
Solennité de la Pentecôte – Année C
S 04 et D 05 juin 2022, Eglise Saint-Barthélemy, le Gua / Eglise Saint Jean-Baptiste, Vif
« Ils furent remplis de l’Esprit-Saint »
Nous connaissons bien l’évangile qui vient d’être proclamé, mais il revêt aujourd’hui une tonalité particulière en raison des autres textes qui nous sont proposés pour la fête de la Pentecôte. Par exemple, il est intéressant que, pour la fête du don de l’Esprit, l’évangile qui nous est proposé nous parle exclusivement d’amour ! Souvent, nous sommes tentés de penser à l’Esprit-Saint en termes d’inspiration, d’idées, de discernement, d’intelligence en quelque sorte. Jésus nous dit ici : l’Esprit de Dieu, c’est tout autre chose, c’est l’Amour personnifié, ce qui n’a rien d’étonnant puisque, comme le dit saint Jean : « Dieu est Amour ».
Cela veut dire que, le matin de la Pentecôte, à Jérusalem, quand les disciples ont été remplis de l’Esprit-Saint, c’est l’amour même de Dieu qui les a envahis. Et de même, nous aussi, baptisés, confirmés, notre capacité d’amour est habitée par l’amour même de Dieu. « Tu envoies ton souffle, ils sont créés » dit le psaume CIII (CIV) de cette fête du don de l’Esprit : effectivement, créés à l’image de Dieu, appelés à lui ressembler toujours plus, nous sommes constamment en train d’être modelés par lui à son image. Regardons le potier en train de façonner son vase, celui-ci s’affine de plus en plus dans les mains de l’artisan… Nous sommes cette poterie dans les mains de Dieu : notre ressemblance avec lui s’affine de plus en plus à mesure que nous laissons l’Esprit d’amour nous transformer.
Dans le passage de la lettre aux Romains qui a été sélectionné pour cette fête, il est plutôt question de notre relation à Dieu. On pourrait le résumer par cette phrase : nous ne sommes plus des esclaves, nous sommes des fils de Dieu. Dans cet évangile, Jésus fait le lien entre notre relation à Dieu et notre relation à nos frères : « Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements », et son commandement, nous le connaissons : « Mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean XIII, 34) ; et l’on peut penser que cette expression fait référence au lavement des pieds, c’est-à-dire à une attitude résolue de service.
Si bien qu’on peut traduire : « Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements » par « Si vous m’aimez, vous vous mettrez au service les uns des autres. » L’amour de Dieu et l’amour des frères sont inséparables, tellement inséparables que c’est à la qualité de notre disponibilité envers nos frères que l’on peut juger de la qualité de notre amour de Dieu. C’est ainsi que l’on peut retourner la phrase « Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements ». Elle veut dire : « Si vous ne vous mettez pas au service de vos frères, ne prétendez pas que vous m’aimez ! »
Un peu plus loin, Jésus reprend une expression tout à fait semblable mais en développant encore : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. » Cela ne veut évidemment pas dire que notre Père du ciel pourrait ne pas nous aimer si nous ne nous mettons pas au service de nos frères ! En Dieu, il n’y a pas de marchandages, pas de conditions ! Au contraire, la caractéristique de la miséricorde est de se pencher encore plus près des miséreux, et miséreux, nous le sommes, sur le plan de l’amour comme sur celui du service des autres.
Mais ce que veut dire cette phrase, c’est quelque chose que nous connaissons bien : la capacité d’aimer est un art et tout art s’apprend en s’exerçant ! L’amour du Père est sans mesure, infini ; c’est notre capacité d’accueil de cet amour qui est limitée et qui grandit à mesure que nous l’exerçons. Si bien que l’on pourrait traduire : « Si quelqu’un m’aime, il se mettra au service des autres. Et peu à peu son cœur s’élargira et l’amour de Dieu l’envahira de plus en plus et il pourra encore mieux servir les autres, et ainsi de suite jusqu’à l’infini… », l’infini au vrai sens du terme.
Pour terminer, je souhaite revenir sur le mot « Défenseur ». Il est vrai que nous avons besoin d’un Défenseur, mais pas devant Dieu bien sûr ! Saint Paul nous l’a bien dit dans la lettre aux Romains : « L’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c’est un Esprit qui fait de vous des fils. » Nous n’avons donc plus peur de Dieu, nous n’avons pas besoin de Défenseur devant lui. Mais alors devant qui ? Jésus dit bien : « Je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. » Nous avons besoin d’un Défenseur, d’un avocat pour nous défendre devant nous-mêmes, devant nos réticences à nous mettre au service des autres, devant nos timidités ressemblant à la question « Qu’est-ce que si peu de pains et de poissons pour tant de monde ? »
Nous avons bien besoin de ce Défenseur qui, constamment, plaidera en nous pour les autres. Et ce faisant, c’est bien nous qu’il défendra, car notre vrai bonheur consiste à nous laisser modeler chaque jour par le potier à son image.
Références des textes liturgiques :
Actes des Apôtres II, 1-11 / Psaume CIII (CIV) / Épître de saint Paul Apôtre aux Romains VIII, 8-17 / Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean XIV, 15-16. 23b-26.