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Témoignage d’une reconnaissance inattendue d’un prisonnier

L’importance d’être là

J’étais seul et même Dieu, ou l’image que j’en avais, ne me suffisait plus pour avancer.

Je désire par ce texte démontrer l’importance de toutes ces personnes bénévoles qui, dans l’ombre, font plus pour le bien de la société que la Justice qui pense que punir est la solution à tout.

Bien sûr je ne peux parler que de ma propre expérience et de celle des personnes qui se sont confiées à moi. Et rendre hommage à toutes les personnes qui m’aident, alors que l’État a désiré de faire de moi un monstre, et à des moments me donne l’impression que le monde serait mieux sans moi.

Dans ce lieu sombre où l’espoir et la dignité humaine vous quittent jour après jour, j’ai fait la rencontre de ces gens qui donnent de leur temps, chacun animé par leur propre passé ou un désir de se rendre utile pour certains. Pour d’autres, c’est simplement une évidence de venir parler avec nous sans même savoir le bien qu’ils font rien que par leur présence.

Il y a des choses dont on peut parler à sa famille, mais pas tout. Des choses que l’on peut confier à un ami, mais pas sur tout. D’autres choses qu’un Psy peut entendre, mais la peur d’être analysé fait que l’on ne peut pas parler de tout. Pour les croyants, la religion peut nous permettre de dire d’autres choses, à Dieu ou à un aumônier. Mais souvent, il y a des choses bien plus intimes et sombres que l’on ne peut dire qu’à un inconnu, qui ne nous juge pas et que, si on le désire, on ne reverra plus.

Pour moi, ce dernier cas a été ma visiteuse de prison. Une dame sortie de nulle part et à qui je me suis ouvert comme jamais je ne l’ai fait avec personne. Avec elle, j’ai réalisé tout ce qui me pesait sur le cœur. Cela a été long. Des jours, je parlais simplement de ce que j’avais vu à la télé, et d’autres jours, je lui parlais des grands traumatismes que j’ai subis dans ma vie. Pas forcément ce qui m’a fait arriver ici, mais ce qui a fait de moi ce que je suis.
Elle m’a permis de me rendre compte que je suis une personne unique, comme chacun d’entre nous et vous. Tout le monde est le produit de ses propres expériences et de comment on réagit en conséquence.
C’est très vite arrivé de mal réagir à une situation qui nous dépasse. Et en moins de temps qu’il faut pour le dire, on peut se retrouver en prison, accusé à tort ou de façon plus ou moins fondée. Car la Justice n’est pas parfaite, loin de là. Elle n’est pas basée sur des faits, mais sur l’idée que l’on peut se faire de ces faits. La Justice n’est qu’une interprétation de la vérité. Bien sûr, la plupart des prisonniers vont vous dire qu’ils sont innocents. Mais la seule chose qui est vraie, c’est que toutes les situations ne sont pas blanches ou noires. Toutes les situations ont plusieurs façons de les interpréter et l’incarcération n’est vraiment pas la meilleure solution. 65% des récidivistes sont des gens frustrés, incompris, ou que l’on n’a simplement pas su écouter.
Dans les placements alternatifs à la prison, le taux de récidive tombe à 30%. Plusieurs pays en Europe l’ont bien compris. Mais en attendant que le France ouvre les yeux, je pense que l’écoute et le dialogue sont l’arme la plus efficace à l’heure actuelle au sein des prisons.

Quand on se retrouve dans ce lieu, on a vite tendance à vouloir se renfermer. On commence à douter de tout, et même de soi.
Pour ma part, je me suis concentré sur le pourquoi. Qu’est-ce qui s’est passé pour que je finisse par faire des choses qu’en temps normal, je n’aurai pas faites ? Donc, j’ai étudié le fonctionnement du cerveau et les bases de la psychologie freudienne.
Cela ne m’a pas été utile pour le jugement, mais cela m’a été très utile sur le plan personnel. Donc, j’ai beaucoup partagé le fruit de mes recherches avec la bénévole des visiteurs de la prison, l’aumônier, et un peu le Psy pour les questions trop techniques, hors de ma portée à cette époque.

Les Bénévoles m’ont aidé à comprendre que j’étais dépressif et que c’était la cause de tous mes problèmes. Et le truc le plus bête est qu’à l’époque où j’ai dérapé tout aurait pu être différent si j’avais simplement parlé de mes problèmes et de mes doutes.

Finalement, ce que j’ai appris sur la dépression, c’est qu’elle peut s’exprimer de mille façons différentes. On peut se faire du mal, faire du mal aux autres. Mais aussi se faire du mal pour faire du mal aux autres et pour, à la fin, faire du mal aux autres pour se faire du mal. Mais le plus important, c’est que quand on est dépressif, pour en sortir, il ne faut plus être dans l’environnement qui a provoqué cet état, pouvoir avoir suffisamment de recul et, surtout, en parler.
Donc, quoique je puisse dire, avoir été mis à l‘écart de la société pendant tout le temps qu’il m’a fallu pour avoir suffisamment de recul sur ma vie et mon passé n’a pas été inutile, bien au contraire.

Mais sans l’aide et le dialogue des bénévoles, je n’aurai jamais réussi à faire tout ce travail sur moi.

Malheureusement, trop de gens se font de fausses idées sur les prisonniers et ont trop d’à priori.
Beaucoup de prisonniers ont des personnalités complexes et riches, mais les mettre à l’écart, les abandonner dans leur doute et leur recherche de réponse, c’est comme ça que les prisonniers deviennent pires et dérapent encore plus. Beaucoup de gens disent que la prison est l’école du crime. Un détenu m’a dit un jour « je suis arrivé avec un CAP voleur et, désormais, j’ai un Bac ». Tout ça parce que les seules interactions sociales étaient entre prisonniers.

C’est pour cela que les bénévoles et intervenants sont plus qu’utiles pour casser la montée en puissance de la délinquance, à l’aide de bonnes paroles, d’être à l‘écoute, de conseils. Et même, des fois, simplement de leur faire sentir qu’ils sont encore des êtres humains, car quelques surveillants font tout pour nous traiter comme des animaux. Mais là c’est un autre sujet.

Il y a de plus en plus de prisons et de prisonniers en France et de moins en moins de bénévoles. On construit les prisons à l’écart des yeux pour tenter d’oublier toutes ces personnes qui ont fauté. Mais, les abandonner à leur sort, il ne faut pas être étonné que, dans l’avenir, leur rancœur envers la société qui les a abandonnés et maltraités fait d’eux des gens encore pires, alors qu’un peu de temps et d’écoute peut facilement les remettre sur le bon chemin et leur permettre simplement de re-croire en eux-mêmes. Car chaque personne est capable de faire de grandes choses s’il croit en lui-même, tout comme vous.

Axel, personne détenue