Carême
6 mars 2017
Mercredi des Cendres – Année A
mercredi 01 mars 2017 église Saint Jean-Baptiste de Vif
A cœur déchiré
La liturgie des Cendres nous propose une entrée dans le temps du carême marquée par le sérieux et l’espérance, déposant délicatement sur nos fronts, avec la cendre de nos offenses et de nos fragilités, la promesse d’une ouverture du cœur, d’une réconciliation avec Dieu et d’un tête-à-tête savoureux dans le secret de la prière.
Le premier texte de Joël, en nous invitant « à déchirer nos cœurs » dans la fontaine de tendresse et de miséricorde de Dieu, nous retire à la puissance du mal, nous libère de nos entraves et ouvre la voie d’une transformation fondée sur le réajustement de nos désirs et leur purification, dont le psaume 50 se fait le chant choral : « Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu ». Matthieu, quant à lui, nous parle de ce radical détournement de soi qu’est la rencontre du frère dans la charité, la mise à l’épreuve du corps par le jeûne, et l’abandon de l’esprit dans la prière au plus profond de nous-mêmes, dans cet espace intime du cœur où Dieu vient à nous sans témoins. Alors le retour à Dieu dont la règle de saint Benoît dit « qu’en tout lieu, nous sommes sous son regard » sera rendu possible, comme le souligne saint Paul.
Cette attente de la réconciliation avec Dieu doit porter et orienter les quarante jours de retraite qui nous sont offerts comme autant de marches d’une petite échelle de vie intérieure, nous conduisant de la conscience de soi à la déprise de soi dans la grâce ineffable de l’abandon et de l’union d’où nous renaîtrons plus vivants.
L’appel qui ouvre la première lecture du Carême dans le livre de Joël est puissant : « Revenez à moi de tout votre cœur ». L’horizon du Carême est devant nous : quels que soient notre âge, notre condition physique, notre travail, nos engagements, nos affections… nous sommes attendus. Si Dieu aujourd’hui nous demande de retourner vers Lui, c’est que nous l’avons perdu de vue, parfois même sans nous en rendre compte. La célébration des Cendres est profondément marquée par cette décision du retour.
Pourtant, le signe des cendres déposées sur notre tête est équivoque. Il pourrait au contraire marquer un point de non-retour. Des cendres sont le signe par excellence du rien, « quand il ne reste qu’un petit tas de cendres », disons-nous. Les paroles qui accompagnent le geste sont rudes : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière » ou bien « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile ». Il faudrait pouvoir entendre ces deux phrases à la suite, car la deuxième répond à la première : souviens-toi que tu es mortel, afin de pouvoir vivre pleinement. Quand on y réfléchit, ce signe est d’une rigueur extrême, marquant sans équivoque la condition de notre humanité. Comment supporter cette imposition de cendres qui rappelle notre finitude dans un monde où l’occultation de la mort et le culte de la jeunesse sont parmi les idées dominantes ? Voilà le premier retournement demandé par le signe des cendres : accepter notre fragilité de créature. Mais cela ne suffit pas pour entrer dans le dynamisme de la conversion. Ce retour vers Dieu est aussi mouvement du cœur. Nous avons à faire confiance à l’Évangile, c’est-à-dire au Christ. En mettant notre foi dans le Christ, nous pouvons percevoir que Dieu est plus grand que notre cœur et qu’il demeure en nous (évangile). Le chemin pour le trouver est donc aussi un chemin vers nous-mêmes.
Père Thibault NICOLET
Références des textes liturgiques :
Joël II, 12-18 ;
Psaume L (LI) ;
Deuxième Épitre de Saint Paul Apôtre aux Corinthiens V, 20 – VI, 2 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu VI, 1-6.16-18.