Paroisse Saint Loup


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Homélie du dimanche 12 février 2017

Sixième dimanche du Temps Ordinaire – Année A Eglise Saint Jean-Baptiste de Vif« 

« Vous » avez appris qu’il a été dit… Eh bien ! moi, je vous dis… »

« Vous avez appris qu’il a été dit… ». Voici que Jésus renvoie les disciples à la Loi de Moïse, celle qui a été transmise par les anciens, et il affirme aussitôt dans une parole d’autorité : « Eh bien ! moi, je vous dis… ». Jésus est le nouveau Moïse qui apporte une loi nouvelle et appelle à un dépassement. La nouvelle loi apportée par Jésus est celle de l’amour sans limite. Ce n’est pas simple de passer d’une loi extérieure reçue de nos parents, de nos éducateurs ou de la société, à une loi intérieure qui est inscrite au fond de notre cœur. Il s’agit de faire silence et d’écouter ce qui se dit au plus profond en nous. Croyons fermement que « l’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné » (Romains V, 5) et puisons à cette source en nous pour avancer sur le chemin.

Dans le passage d’évangile de ce dimanche, nous pouvons encore une fois mesurer qu’il n’y a pas de demi-mesure avec Jésus. Pour lui, il y a une « intégrité » à vivre tout ce qui concerne notre fidélité à son enseignement. En effet, le vrai « fondement » de sa loi, c’est l’amour démesuré avec lequel il nous traite. En échange de cet amour, nous ne pouvons que désirer et vouloir être conformes à ce traitement privilégié.
Pour mieux comprendre cette soif d’absolu, je prendrai un exemple emprunté à la vie quotidienne et qui s’accorde bien avec la Journée Mondiale de la santé d’hier et avec la thématique que nous voulons déployer dans la messe de ce jour. Quand nous faisons un bilan global de santé, nous cherchons sûrement auprès du médecin tous les renseignements concernant notre santé et nous nous plions sans hésitation aucune à ce qu’il décide de nous prescrire, sans discuter sur le goût du médicament ni sur la durée de notre traitement. A la fin de notre visite, non seulement nous le remercions mais nous réglons de bon cœur la consultation et nous rentrons à la maison, déterminés à suivre scrupuleusement ses conseils et sa prescription. Pour la guérison de notre cœur, et au nom de la seule logique humaine, n’aurions-nous pas intérêt à suivre l’avis du Christ, lui le Médecin par excellence ? Il est surprenant que nous soyons plus qu’exigeants en tout ce qui regarde notre santé et notre sécurité, et que nous le soyons moins en ce qui concerne la santé et la sécurité de notre âme. Personne n’accepte une seule erreur à son désavantage dans sa fiche de paie, personne ne peut achever son assiette de soupe s’il y trouve une mouche, personne ne prend le risque d’un voyage en avion si on lui dit qu’il y a juste un tout petit défaut de fabrication, personne ne se hasarde à prendre un taxi dont le chauffeur a bu plus que de raison. Et pourtant, en soi, une erreur de calcul, une mouche, une vis rouillée, un verre d’alcool ne sont qu’anodins en tant que tels, mais ils mettent notre humeur, notre santé et notre vie en danger.
Ces petits exemples montrent l’importance du « détail » dans l’harmonie de notre vie. De même qu’aucune mariée n’accepterait que sa robe soit un tant soit peu tachée, de même une âme sereine et pacifiée ne peut souffrir aucune tache, si petite soit-elle. C’est dans cette logique que nous arrivons à comprendre et à accepter avec gratitude ce que le Seigneur nous commande de faire. Pour notre santé intérieure, il n’y va pas par quatre chemins, il ne dit jamais : « je pense que… », mais : « voilà ce qu’il faut faire et être pour que la joie soit installée en permanence en vous ».

Aujourd’hui le complot contre l’Évangile ne consiste pas seulement à dire que les conseils de Jésus sont irréalisables mais encore , à l’inverse, à niveler par le bas toutes ses recommandations, pour en faire une sorte de charte humaniste avec, d’une part, un engouement pour les œuvres humanitaires et, d’autre part, la non-ingérence dans la vie ou la pensée de l’autre quels que soient ses choix. Tout cela est alléchant et risque de réduire l’Évangile à un code de vie sociale. Mais quand nous creusons un peu plus profond dans notre cœur, nous constatons que tout ce que le monde nous offre comme modèle à notre épanouissement est encore très en deçà de ce à quoi nous aspirons. Comment se fait-il que dans les pays les plus nantis, où les besoins « horizontaux » sont pris en charge par un « État providence », la proportion des candidats au suicide soit alarmante ? Comment vivre la paix du cœur ? Les valeurs proposées par le monde n’en parlent pas. Elles concernent notre nourriture, notre santé, nos loisirs… et après ? Que faire dans notre deuil, dans notre solitude ? Comment réagir si nous sommes calomniés ? Rendre les coups… et après ? Se retrouver au tribunal, prendre des antidépresseurs ? Et si nous faisons le bien sans que l’on nous remercie ? Devons-nous nous mettre en colère, devons-nous rechercher une gratification ?

Seigneur, toi seul peux répondre à ce genre d’inquiétudes. Ton « ordonnance » pour arriver à bout de nous-mêmes, de nos colères, de nos doutes, de nos envies, de notre cupidité, de notre orgueil, de nos déceptions est de prendre un « cachet », une « pilule » de tes paroles vivifiantes. En effet, quand nous les entendons, nous n’avons pas l’impression de lire un beau texte littéraire mais nous avons la sensation d’une eau qui irrigue notre désert, d’un air qui rafraîchit notre « caverne » intérieure, d’une lumière qui illumine nos ténèbres, d’un ange qui vient dissiper toutes les poussières amoncelées par notre humaine vision des choses. Et nous savons que tu es là. Et, avec toi, nous allons aussi loin que tu le souhaites. Nous trouvons en toi non seulement le maître exigeant, mais plus encore le père tendre et miséricordieux qui ne cesse de nous relever et de nous remettre debout, pour recommencer comme si nous n’avions pas chuté. Aide-nous à marcher joyeusement sur ce chemin que tu as tracé pour chacun d’entre nous. Béni sois-tu à jamais !

Père Thibault NICOLET

Références des textes liturgiques :
Ben Sira le Sage XV, 16-21 ;
Psaume CXVIII (CXIX) ;
Première Épitre de Saint Paul Apôtre aux Corinthiens II, 6-10 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu V, 17-37.